ELECTIONS COMMUNALES

Oser l'abstention !

En octobre 2000
auront lieu, en Belgique,
des élections communales.
Trois mois pour faire vivre le débat.

Pour les citoyens "belges", il ne s'agit pas d'un événement transcendant, pourtant les médias et le microcosme politique en font tout un plat : il paraît qu'il va y avoir une "recomposition" entre les différentes boutiques (oui, oui, on vous le jure). La seule question étant de savoir qui va manger qui ?

Il s'agit donc d'aguicher le chaland, de convaincre l'électeur potentiel de faire son devoir. Une bonne occasion de rappeler le point de vue des abstentionnistes libertaires et de répondre à certaines objections qu'on nous oppose régulièrement.

Si les élections pouvaient vraiment changer la vie, elles seraient interdites depuis longtemps..., Dimanche aux urnes, lundi à l'usine ; Votez, vous n'avez pas le choix... les slogans anarchistes refleuriront sur les murs à l'occasion des élections, pourtant ce n'est pas sûr qu'ils soient toujours bien compris.

Même si dans ce pays (où la démocratie reste "obligatoire"), de plus en plus d'électeurs ne se rendent même plus aux urnes, il ne fait pas bon dire ouvertement qu'on ne va pas voter, surtout quand on se situe résolument à gauche et qu'on a l'ambition de changer la société.

Pourtant, l'abstentionnisme libertaire n'est pas synonyme de refus de principe du vote (ou de l'élection de délégués) qui se pratique dans nos organisations. Il repose sur une analyse des processus de pouvoir et sur l'observation du fonctionnement du système.

Démocratie en chocolat

Nous refusons de collaborer à la caricature de démocratie qu'est le système parlementaire parce que l'élection ne s'y résume qu'à signer un chèque en blanc à un candidat sur base de sa bonne mine et de ses belles promesses. Une fois élu, le "représentant du peuple" aura les mains libres pour faire ce qu'il veut, il n'a de compte à rendre à personne.

C'est le contraire du mandat impératif que nous préconisons et dans lequel les délégués sont tenus de défendre le point de vue de ceux qui les ont élus et de leur rendre compte de leur gestion.

Aujourd'hui, dans la relation entre électeurs et élus, ce sont ces derniers qui, une fois installés, ont tout le pouvoir. Par la révocation, nous voulons donner la possibilité, en cours de route, aux mandants de déboulonner les mandataires qui, s'éloignant de ce pour quoi ils ont été mandatés, n'en feraient qu'à leur tête, se foutant comme d'une guigne de leurs électeurs.

Dans la démocratie parlementaire, la seule sanction que risque le "représentant", c'est de ne pas être réélu. Mais à l'heure de la consommation rapide, une bonne pub rapporte bien plus que l'action mise en œuvre lors de la précédente législature... que tout le monde a déjà oubliée.

Contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, dans le système actuel, les dés sont pipés. Le choix des candidats, par exemple, n'est pas démocratique. Pour être élu, il ne suffit pas de se présenter aux élections. Si l'on n'appartient pas au bon parti, si l'on n'est pas bien placé sur la liste par la nomenklatura du parti... on n'a pratiquement aucune chance. La valeur personnelle du candidat compte peu dans les marchandages internes des appareils. Par contre, de puissants appuis financiers aident beaucoup. Même si des réglementations ont été votées ces dernières années, les grandes fortunes ne se cachent pas de soutenir les candidats qui leur sont les plus favorables.

Balayer devant sa porte

En refusant de voter dans ces conditions, on nous accuse de faire le jeu de l'extrême-droite, du poujadisme et de la vague de cynisme qui submerge la jeunesse. Mais est-ce l'anarchisme abstentionniste qui favorise le désenchantement politique ou les politiciens "de gauche" qui déçoivent régulièrement leurs électeurs ? Les Écolos ont sans doute fait beaucoup plus pour décrédibiliser l'action politique (Faire de la politique autrement, qu'ils disaient dans l'opposition), avec toutes les couleuvres qu'ils ont avalé goulûment au gouvernement (entre les charters de Tziganes et l'adoption des projets musclés sur la justice) que les partisans de l'abstentionnisme.

Déjà au début de ce siècle, nos prédécesseurs avaient prédit la récupération des socialistes qui choisissaient la voie électorale ; Kropotkine parlait de la conquête de la social-démocratie par l'État. Depuis lors, on a pu constater que les gouvernements de gauche plurielle ou de centre-gauche-arc-en-ciel n'ont jamais voulu - ou jamais pu - changer fondamentalement les rapports d'exploitation économique et de domination politique... Dans les pays qui nous entourent, l'alternance est devenue la règle et mondialisation oblige, entre social-libéralisme et libéralisme-social, les gouvernements "de gauche" appliquent désormais tous des politiques... libérales de droite.

Regarder plus loin
que le dimanche matin

Vous ne croyez pas à la possibilité de réformer le système au travers des élec-tions... Vous préconisez l'organisation à la base des travailleurs et des mouvements sociaux autonomes... Vous souhaitez devenir acteur de votre propre vie... Fort bien nous disent certains, mais pourquoi ne pas présenter ou appuyer des candidatures purement propagandistes ? L'idée d'utiliser les élections comme une tribune est une vieille lune léniniste. C'est aussi l'argument de ceux qui n'ont guère de chance d'être élus. Le grand défaut de cette "stratégie" c'est qu'elle prend l'électeur pour un crétin. Pour l'attirer, il faut tout de même le convaincre qu'il va voter utile ; on lui présente donc un programme que l'on ne pourra pas mettre en pratique, même si on était élu. Rien de tel pour donner de soi une image brouillée, décevoir et créer la confusion. En "utilisant" les échéances électorales, ils acceptent, de plus, de se soumettre aux rythmes et aux règles du système qu'ils prétendent combattre et perdent ainsi l'initiative de leur propre action. Sans oublier que, dans nombre de communes, une part importante de la population est "étrangère" et n'a pas le droit de vote et que, tous les politologues vous le diront, plus on est bas dans l'échelle sociale, moins on va voter. Ainsi, la propagande électorale s'adresse avant tout aux domi nants et aux classes moyennes.

Notre abstention est un refus de jouer le jeu politicien. C'est un point de vue critique qui ne vise pas des résultats immédiats, mais qui mise sur une prise de conscience. Nous faisons le choix du ter rain de la lutte sociale de base... car nous savons que les pouvoirs (économique, politique, culturel...) peuvent devenir très raisonnables quand ils sont confrontés à un vrai rapport de force. Nous misons également sur d'autres rapports entre les gens que ceux produits par la délégation poli tique (constitution d'élites, d'une classe politique professionnelle, de techno-bureaucratie...).

À nos yeux, seules des institutions horizontales, sans rapports hiérarchiques, auto-organisées peuvent préfigurer la base de la société libertaire, égalitaire et autogérée que nous appelons de nos vœux.
 

Alternative Libertaire

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