libertaire anarchiste anarchisme

L'ESSENTIEL

Perversité

Penser comme hier,
c'est se condamner
à ne pas comprendre
aujourd'hui !

Félicien Maizette était de ces hommes parfaitement intégrés à leur époque. La société l'avait établi dans un rôle de paterfamilias inflexible ; ce qui lui convenait tout à fait.

Solidement installé dans ce XIXème siècle autoritaire, pareil personnage évoluait donc avec arrogance, parce que sûr de ses droits.

Il dirigeait la famille Maizette, en fait sa famille, avec une poigne de fer. Chez lui, régnaient la discipline, les "bonnes manières", le respect des lois et des commandements religieux. Bien entendu, son épouse se conformait à la condition sociale imposée aux femmes. Aussi la voyait-on cultiver ces vertus de la féminité d'alors : obéissance, humilité, soumission. Ses enfants, eux, vivaient dans la crainte. Confrontés dès leur plus jeune âge à la toute-puissance du père, ils n'avaient d'autre choix que d'imiter l'attitude maternelle. Un simple froncement de sourcils les faisait rentrer sous terre. D'ailleurs, la ceinture du maître corrigeait cruellement toutes velléités de rébellion. Mais ces dernières étaient rares. Car, le monde environnant se composait d'une multitude de Félicien Maizette. Qui refusait la domination paternelle, comprenait très vite qu'il attaquait, en solitaire, l'ordre établi.

Ce dressage des enfants, s'accentuait par la fréquentation de l'école. Après avoir appris à se soumettre en famille, il fallait s'amalgamer au troupeau en apprenant ses règles. Dans ce but, de véritables despotes terrorisaient leurs élèves. Ces enseignants, jouissaient d'une totale impunité, car encouragés à la plus grande rigueur. En conséquence, les châtiments corporels tenaient lieu de pédagogie. Semblable violence, épargnait relativement le sexe faible. Cependant, les filles subissaient d'autres formes de coercition. Volontiers confiées aux établissements d'enseignement religieux, elles auraient à intérioriser l'omniprésence d'un dieu pudibond, répressif, implacable.

L'ordre de la caserne

Le contrôle des consciences, des conduites, des mœurs, s'effectuait de façon permanente. En ces temps de grande intransigeance, où divorcés et concubins passaient pour débauchés, tout manquement aux normes se voyait impitoyablement puni. Et Jean Valjean allait au bagne, pour avoir volé un pain. Malheur donc, aux jeunesses qui "fautaient". Celles-ci étaient jetées à la rue, reniées à jamais par leur milieu d'origine. Quant aux fortes têtes qui résistaient malgré tout à la pression sociale, le service militaire s'efforcerait de les détecter d'abord, de les briser ensuite. Dans cette armée d'autrefois, le moindre gradé exerçait sur la troupe un pouvoir absolu. Dès lors, humiliations, brimades, mauvais traitements courbaient la plupart des échines. Restait une poignée d'insoumis, dont le parcours se balisait souvent de la façon suivante : maison de redressement, bataillon disciplinaire, prison, échafaud. Ainsi éteignait-on les révoltes contre la triade Dieu, Famille, Patrie.

Le monde dans lequel vivaient nos arrières-grands-parents, ressemblait à une caserne. Cet embrigadement, bien sûr, avait sa raison d'être. Une telle subordination favorisait les profits issus du capital. Quand la docilité est grande, l'exploitation devient féroce. Majoritairement composée de prolétaires, la population acceptait un labeur épuisant (durant 14 heures par jour, et parfois plus !), les salaires dérisoires, des conditions d'existence indignes (l'espérance de vie d'un ouvrier était de 40 ans !), la brutalité des contremaîtres, le travail des enfants, l'enrichissement des patrons,... Car, inconsciemment, tout personnage pourvu de quelque autorité se percevait comme menaçante réplique du père. En conséquence, pareil conditionnement alimentait la soumission générale. Ainsi, en menant leurs enfants "à la dure", tous renforçaient des structures favorisant l'oppression. Et les fils à leur tour, deviendraient des tyrans domestiques. Qu'ils soient pauvres ou nantis, tous ces Félicien Maizette œuvraient à reproduire un système.

L'heure de la révolte

Cette misère du grand nombre se serait perpétuée, s'il n'y avait eu l'avènement des idées marxistes et anarchistes. Jusqu'ici, rejeter la société s'exprimait par des comportements individuels, tel le vol ou le vagabondage. Or, une attaque d'envergure contre le pouvoir se déployait soudain, grâce à l'esprit de solidarité. L'union fraternelle des fils, contestait l'emprise absolue des pères, et exigeait un partage. Offensive idéologique sans précédent, propre à miner les hiérarchies en place.

L'idée de justice sociale gagnerait peu à peu les esprits.

Bientôt, les dominés allaient faire trembler quantité d'exploiteurs. Grèves, boycotts, sabotages, révélaient une détermination populaire croissante. Toutefois, les possédants s'accrochaient à leurs privilèges. Paniqués, ils contre-attaquaient avec sauvagerie. La troupe tirait, sur les foules réclamant de quoi manger. Et, en 1871, la Commune de Paris se réprimait dans un bain de sang ; celui des 20.000 morts abattus pour l'exemple. Un carnage, dont l'ampleur devait stupéfier le prolétariat du monde industrialisé. Dans tous les pays se constatait l'évidence : on s'acheminait peut-être vers la Révolution, mais on avançait à coup sûr vers une guerre civile. Alors, au moment crucial, le pouvoir entreprit sa complète métamorphose. De ce fait, c'est la société tout entière qui se mit à changer...

La riposte consumériste

Le bouleversement, vint des États-Unis. L'Europe s'enfonçait dans l'horreur de 14-18, quand l'Amérique perfectionnait le travail à la chaîne.

La parcellisation du processus de production, sa spécialisation, sa mécanisation, permettaient maintenant de fabriquer en très grande série. Par conséquent, se posait le problème de l'écoulement d'une pareille profusion. Jusqu'alors, seules les classes aisées pouvaient acquérir le produit des ateliers et manufactures. Il fallait donc trouver d'autres clients. Or, la solution passait par Henri Ford. Afin de fournir des voitures à faible prix, le constructeur de Detroit soumettait ses ouvriers aux plus infernales cadences. Mais il payait bien. Ses gens gagnaient le double de ce qu'on proposait ailleurs ! Aussi, le personnel des usines Ford achetait allègrement ces autos qu'il avait lui-même assemblées.

Cette méthode Ford, fut combattue par ceux qui allaient pourtant en profiter. Les chefs d'entreprises en effet, ne pouvaient admettre semblable augmentation des salaires. Ils qualifièrent même l'innovateur, de criminel économique. Cependant, deux événements feraient fléchir le patronat américain. D'abord, la révolution russe qui éclata en 1917. Celle-ci, modifiait les rapports de force. Tous savaient à présent, que les défavorisés avaient la capacité de renverser un régime injuste, mais aussi, celle de faire tourner une économie sans l'intervention du capital privé. De par cette menace communiste, persévérer dans la répression brutale équivalait à jeter de l'huile sur le feu. Il fallait à l'inverse agir avec souplesse, afin d'enrayer toute avancée des "rouges". En quelque sorte, les patrons se trouvaient à la croisée des chemins. Et, c'est une science nouvelle qui leur indiquera la direction à prendre...

Plus encore que la peur du communisme, l'irruption de la psychologie dans le savoir des hommes allait modifier les attitudes. Car, Freud et ses disciples offraient d'intéressantes perspectives au monde des affaires. Explorer les méandres du psychisme, c'était découvrir l'origine de nos comportements. Et, avec des motivations ainsi répertoriées, analysées, puis stimulées, influencer les consciences s'avérait un jeu d'enfant. C'est pourquoi, au cours des années vingt, les quelques timides réclames se transformeront en cette arme ô combien redoutable : la publicité. Celle-ci permettra de vendre au grand nombre, non plus seulement des voitures Ford mais une gamme infinie de produits. Sans aucun tapage, la "société de consommation" venait de naître.

Le pouvoir travaillait donc à sa reconversion. Déjà, le nouveau régime économique combinait production en grande série, abaissement des prix de vente, salaires calculés pour favoriser d'autres dépenses que celles requises par la survie, psychologie appliquée au commerce. Il fallait à présent, renier la société patriarcale. On ne pouvait promouvoir le luxe, le prestige, la beauté, le confort, le crédit, tout en célébrant les mérites d'une vie spartiate. Dès lors, austérité, discipline, souffrance acceptée, moralité ascétique apparurent comme vertus encombrantes. Il convenait au contraire, de vanter à chacun le droit à jouir de l'existence. Lequel ne s'exercerait qu'en payant, qu'en achetant moult biens ou services. De même, la domination masculine devait s'effacer, laissant place à l'émancipation des femmes et des jeunes. En réalité, une telle évolution avait pour but de permettre une autonomie financière à ceux-ci. Les libérer des maris et des pères, certes, mais pour mieux les asservir à la mode, à la nouveauté, aux engouements.

La mutation de la société, allait s'échelonner sur un peu plus de 30 ans. Ici ou là, surgiraient bien quelques résistances. Mais, la grande presse soutenait le changement. D'ailleurs, pour un journal, s'opposer à ce réajustement des mentalités c'était risquer la faillite. Car dénoncer le consumérisme, provoquait la perte des recettes publicitaires. Or, ces dernières apparaissaient de plus en plus conséquentes. Bientôt, ce seraient tous les médias qui verseraient dans la course au profit, incorporant alors un maximum de publicité. Ils mettraient donc une sourdine à leurs critiques. Et le bourrage de crâne deviendrait quasi permanent, quand s'introduirait dans chaque foyer, la radio d'abord, la télévision ensuite.

Le moteur du désir

Cette complicité des supports de l'information, s'insérait dans une adhésion générale. Très vite en effet, dominants et dominés marcheraient de concert vers le "progrès". Une curieuse avancée, où le calcul des maîtres rejoignait l'espérance des assujettis. À vrai dire, ces derniers avaient les yeux rivés sur un mirage. La nouvelle société les séduisait, parce qu'elle se présentait comme l'image même de l'abondance, de la liberté, du bonheur. Malgré cela, de nombreux conflits sociaux éclateraient un peu partout. Cependant, les revendications portaient sur l'amélioration des conditions de travail et, bien plus encore, sur l'augmentation des salaires. Dans ce cas, ce que l'on arrachait à son patron servait à consommer davantage ; ce qui enrichissait l'ensemble du patronat. Mais plus question de faire la Révolution, de renverser un système injuste. En fait, le pouvoir avait gagné. Il venait de remplacer un conditionnement par un autre ; et ce dernier s'avérait beaucoup plus subtil...

Dominer le peuple aujourd'hui, ne consiste pas - comme on le croit volontiers - à lui créer des besoins. Ceux-ci existent depuis toujours, sont immuables. Il est même possible de les répartir en cinq catégories. Outre l'assouvissement des nécessités premières (boire, manger, dormir, s'accoupler, ...) les hommes recherchent l'estime, la convivialité, la sécurité, l'épanouissement. Or, satisfaire ces appétits physiologiques et psychologiques, procure un réel plaisir. Si, par exemple, au cours d'une chaude journée d'été me vient une soif dévorante, boire un verre d'eau fraîche constituera une sensation délicieuse. Le plaisir, se concrétise donc par la satisfaction d'un besoin. À partir de là, chacun va essayer de reproduire à volonté ce bien-être. Cette quête perpétuelle du plaisir, porte un nom : le désir. Alors que le besoin s'éteint ou s'apaise, le désir, lui, n'a pas de mesure. La sensation de faim disparaît en mangeant et, je comble de la sorte un besoin essentiel. Mais bien que mon estomac soit alors rassasié, le désir de manger peut conserver toute sa vigueur, me poussant aux excès. Dès lors, la force du pouvoir actuel réside dans son habileté à modeler, orienter, exacerber, les désirs qui lui conviennent.

Les puissances économiques prospèrent en manipulant les désirs, mais elles se moquent éperdument des besoins de l'être humain. Dans nos régions, l'abondance alimentaire et les progrès de la médecine dissimulent un tel cynisme. En effet, pourvoir aux besoins du corps parait démontrer l'efficacité du système, et semble même témoigner de sa bienveillance. C'est oublier qu'il considère l'alimentation et la santé des populations, comme de juteux marchés. Les magasins débordent de victuailles, qui séduisent par leurs saveurs étudiées, leurs présentations recherchées, leurs réclames calculées. Et le commerce pharmaceutique, lui aussi, transforme des exigences vitales en désirs impératifs. Un milliard d'hommes pratique ainsi la surconsommation. Pendant ce temps, un autre milliard - celui des plus pauvres de la planète - se débat dans une longue agonie, due à l'absence de nourriture et de médicaments. Pareil drame est assurément la honte majeure de notre temps. Car tous ces malheureux n'ont commis qu'un seul crime : ils ne sont pas solvables.

La misère psychique

De par la logique mercantile, les besoins primordiaux d'une multitude d'infortunés ne peuvent être pris en considération. À ce scandale, s'ajoute celui de la misère psychique, partout répandue. Cela parce que l'esprit connaît également des besoins impérieux. Ici aussi, le pouvoir stimule des désirs rentables, tout en méprisant les aspirations fondamentales des individus. Ainsi, la quête de cette estime de soi nécessaire à chacun, se réalise au gré des battages publicitaires. Beaucoup de gens, étalent avec ostentation un maximum d'objets en vogue. Ils cherchent ces regards admiratifs qui affermiront leur ego. Or se voir reconnu grâce à l'acquisition de marchandises, revient à se placer sur une échelle hiérarchique étalonnée d'après le pouvoir d'achat. Laquelle suscite l'envie chez "ceux qui sont en bas", et provoque le dédain de "ceux qui sont plus haut". Comme on le voit, alors que le besoin d'estime espère indulgence et bienveillance, la société marchande propage jalousie, hostilité, dévalorisation, mépris.

Pour son plus grand profit, le système place les hommes en situation de concurrence. Car surconsommer ne se présente pas seulement comme une course sans fin. L'avidité, mène à la guerre de tous contre tous. En effet, s'empresser massivement vers des désirs à ce point standardisés, multiplie les rivaux. Bien plus, accaparer, c'est mobiliser l'instinct de dominance. Et ce dernier ruine tout rapport social, corrompt tout sentiment d'humanité. Déjà, pour le grand nombre, les mots amitié, solidarité, fraternité appartiennent au vocabulaire de l'utopie. Aussi, la sociabilité ne résiste guère à cette vision pessimiste. Même la simple amabilité, tend à disparaître. Nous vivons donc au sein de la plus inconvenante des époques : celle où les gens ne s'aiment plus. En conséquence, le besoin de convivialité ne parvient pas à se combler. La moindre chaleur humaine, bientôt ne se dispensera que par ceux qui ont une camelote à vendre. D'ailleurs, la publicité nous l'enseigne : on n'est jamais seul lorsqu'on fume une cigarette X... Et la camaraderie s'installe, dès que se décapsule une bouteille de bière Y..., ou que se déguste la limonade Z...

À cause du peu de sympathie, de confiance, de compréhension entre les personnes, tout échange empreint de spontanéité, d'empathie, d'écoute, devient hasardeux. La mécanique néolibérale réussit ce prodige de massifier un maximum d'individus, afin de mieux les isoler. L'angoisse qui en résulte, est celle du solitaire immergé dans une foule indifférente. Si des périls surviennent, il sait que personne ne viendra pour l'épauler. Dissociés les uns des autres, nos contemporains vivent ainsi dans l'appréhension du lendemain. Une bien pénible sensation, dont profitent les caisses d'épargne, banques et compagnies d'assurance. De même, la crainte de se voir dévalisé, agressé, envahi, bénéficie aux entreprises spécialisées (gardiennage, matériels antivol, industrie des armements...). Mais semblables succédanés, ne peuvent assouvir le besoin de sécurité inhérent à chacun. Seule la communication véritable permet de répondre à cette attente. Car la palabre entre égaux suscite l'entraide, puis l'insouciance qui en découle. Bien des collectivités africaines, illustrent un tel bonheur. Elles nous éclairent aussi, sur l'actuel désarroi de l'homme blanc.

Du père autoritaire
à la mère abusive

Le besoin d'épanouissement pourrait se nommer besoin de liberté, tant ces deux aspirations s'avèrent indissociables. Parce que s'épanouir, consiste à développer sa singularité. C'est dire si pareil processus ne supporte guère d'entraves. La seule barrière acceptable à ce déploiement du moi, ne devrait provenir que des autres appétences. En effet, développer une personnalité originale ne doit pas nuire à l'échange avec autrui, donc aux envies d'estime, de convivialité, de sécurité. Comme les besoins varient en intensité selon les individus, il appartient à chacun de construire cet équilibre délicat. Le problème s'accentue, lorsqu'on cherche à réaliser ses désirs. Rien de plus personnel que fantasmes, rêves et penchants. Lesquels, ont également pour vocation de s'harmoniser dans une totale indépendance. Mais un système qui prospère grâce au conditionnement des esprits, dénie à tous cette plénitude. Il y a là, un totalitarisme nouveau qui échappe à l'attention générale. En réalité, au règne du père autoritaire a succédé une société de type mère abusive. Et ce concept demande une explication ou, mieux encore, réclame un exemple...

Marguerite Dubroc, aime énumérer les bienfaits qu'elle répand sur sa progéniture. Semblable discours, contraint les siens à reconnaître la chance qu'ils ont d'avoir une mère aussi parfaite. Cet endoctrinement, se renforce par la comparaison. Et de dénoncer alors ces familles indignes où sévit un père brutal, où les jeunes subissent sous-alimentation, autoritarisme, maltraitance. Or si Marguerite Dubroc se pose en dispensatrice de bien-être et de liberté, elle exige énormément. Ses enfants doivent non seulement briller en société, mais aussi produire d'innombrables efforts pour mériter son affection. Sinon, elle se détourne d'eux. Malheur également, au téméraire qui désapprendrait que corvées et loisirs s'inscrivent dans un canevas obligatoire. Nonchalants et poètes n'ont pas leur place chez les Dubroc. Alors, pour mieux accabler un tel coupable, les autres membres de la famille seront alors pris à témoin. Bref, Marguerite Dubroc joue - à sa façon - des désirs et besoin de ceux qui se trouvent sous sa coupe.

Il n'est pas rare que le pouvoir absolu dégénère en folie destructrice. Une mère abusive que ronge le besoin maladif d'exercer sa toute-puissance, va ruiner la santé psychique de sa descendance. On parlera alors de perversité. En fait, cette pathologie consiste à considérer l'autre comme un objet. Il s'agit de se servir de lui, sans tenir compte de son intégrité physique ou mentale, de sa souffrance. Une personne perverse, sévit en prédateur névrotique qui ignore les scrupules. Elle doit détruire, afin de compenser son déséquilibre. Elle opprime pour ne pas s'effondrer, harcèle pour éviter la dépression, rabaisse pour se valoriser, trompe pour camoufler ses contradictions. Ce sera, par exemple, mépriser ouvertement un enfant, lui casser son esprit critique, le culpabiliser pour des vétilles, lui faire croire qu'il est responsable de l'un ou l'autre malheur, lui "prouver" qu'il ne peut rien sans sa mère... En finale, toutes ces attaques façonneront un être psychologiquement diminué, morbide, angoissé, docile.

Cet absolutisme masqué, exempt de toute violence physique, introduit le malheur dans bien des familles. Or, ceux qui subissent cette torture morale ne comprennent rien à la situation. Car pour qu'une manipulation des esprits réussisse, il faut qu'elle soit totalement invisible. D'ailleurs leur persécutrice joue habilement des contrastes. Elle se conduit en ogresse puis, l'instant d'après, manie gentillesse, séduction, cajoleries. À l'occasion, elle pleure, gémit sur son sort. Rien de tel en effet, pour contrer toute résistance. En outre, l'image de la maman correspond à celle de la bonté suprême. Tout le monde sait qu'une mère se dévoue pour ses petits. On ne se révolte pas contre une telle perfection. C'est pourquoi les victimes retournent contre elles-mêmes, une agressivité ne pouvant s'extérioriser. Ces enfants-là, s'accusent d'ingratitude face à ce "dévouement" dont ils se croient les bénéficiaires. En tant que filles et fils "comblés", ils ne sont pas "à la hauteur". Et quand, parfois, ils s'étonnent de certaines outrances maternelles, l'explication en retour ne varie jamais : C'est pour ton bien ! La moindre rébellion alors, s'enlise dans la mauvaise conscience.

Le totalitarisme de la liberté

Le parallèle entre ce vécu familial et la société d'aujourd'hui, s'impose. Notre organisation sociale exerce sur chacun une pression psychique, bien dissimulée, incessante, nocive, destructrice. Le système en effet, ne se contente pas d'empoisonner l'eau, l'air, le sol, la nourriture. Ni même, de tuer la diversité du vivant par une disparition progressive de la faune, de la flore. Encore lui faut-il gangrener les consciences. Et - en supposant qu'il le veuille - le pouvoir économique ne pourrait freiner cette course mortifère : sa survie est à ce prix.

Cette pollution des esprits, débute en déclarant libres ceux qui pourtant se trouvent bel et bien soumis. Ainsi, quasi plus personne n'apostrophe de la sorte un enfant rétif : Si tu ne t'attelles pas immédiatement à tes devoirs, tu recevras une fameuse raclée ! De nos jours, pareil contexte inspirerait plutôt des paroles ressemblant à celles-ci : Tu es libre : soit tu travailles à tes devoirs avant d'aller jouer, soit tu t'en occupes après. C'est toi qui décides ! Pour se faire obéir en effet, on ne brandit plus comme autrefois la menace des pires châtiments. Et les prêtres, officiers, enseignants qui viendraient à l'oublier, se verraient désavoués par leurs hiérarchies respectives. Quant au père qui utiliserait encore les sévices corporels sous prétexte "d'éducation", celui-là se retrouverait très vite devant un tribunal.

Tout est fait pour qu'on s'en persuade dès l'enfance : Nous vivons en pays libre ! L'école n'a donc plus comme vocation première, d'inculquer une discipline rigoureuse. Laquelle favorisait la soumission à l'ordre établi. Aujourd'hui, l'enseignement consent aux souffles permissifs. Dans les classes maintenant, il s'agit de former les citoyens capables d'énoncer un jour leurs choix politiques, les futurs électeurs. Mais personne ne dit aux mouflets que, voter pour le parti Chouvert ou le parti Vertchou, manifester librement ses opinions, s'associer en toute indépendance, sont de ces droits qui n'entravent guère la bonne marche de l'économie. Et si les Marguerite Dubroc dissimulent une tyrannie sous leur "instinct maternel", le capitalisme actuel, lui, impose une idéologie totalitaire grâce au couvert de l'idéal démocratique. Certes, les instituteurs ne terrorisent plus leurs élèves. Cependant, tout jeune américain dont l'âge se situe entre 4 et 12 ans, ingurgite 20.000 messages publicitaires chaque année.

Pour que le conditionnement des individus atteigne son apogée, il doit commencer aussitôt que possible. La persuasion des plus jeunes, expliquerait alors cette consommation boulimique qui agite tant nos contemporains. Pourtant, la soif de jouissance pourrait s'épancher dans d'autres directions. Mais elle reste cantonnée dans les satisfactions monnayables, savamment canalisée, sous surveillance. Et le contrôle du principe de plaisir va plus loin encore. Puisque ce dernier s'accommode difficilement des plus rebutantes corvées, on métamorphosera le travail en chose éminemment désirable. Au marketing qui suscite l'achat, répondra le management qui pousse à travailler.

La morale de l'entreprise

L'entreprise moderne utilise, envers son personnel, ces techniques de propagande qui procurent des clients. Ici aussi, l'autorité délaisse le mode répressif pour user de procédés manipulateurs. De plus en plus, au sein des bureaux et ateliers, les désirs issus des besoins d'estime, de convivialité, de sécurité, d'épanouissement stimulent la production. Dans cette optique, la main d'œuvre est d'abord invitée à se "valoriser". D'ailleurs la hiérarchie se montre discrète, afin que chacun puisse faire preuve d'initiative, d'autonomie, de discipline librement consentie. Parce que le travailleur mérite l'estime générale, quand il agit en "être raisonnable". Il devient ainsi un adulte responsable, qui s'intéresse à son travail, qui participe, qui s'implique.

Le salarié convenablement "motivé", change de statut. Il quitte un rôle de simple exécutant pour se muer en collaborateur, voire en partenaire de l'employeur. Et celui-là sera d'autant plus méritant, qu'il s'intègre sans peine dans une équipe. Laquelle pratique cette convivialité obligatoire, appelée "culture d'entreprise". Un "esprit de corps" qui, en créant un lien affectif, évite aux subordonnés la conscience de leur soumission. Dès lors, direction, cadres, employés, ouvriers d'une même firme luttent, "coude à coude", contre la concurrence.

Cette loyauté envers l'entreprise, étouffe le sentiment d'appartenance au prolétariat. Dans ces conditions, les diktats du marché s'apparentent aux "dures lois du sport". La société commerciale fonctionne alors, comme une équipe de football affrontant des challenges. Et, si l'on veut "gagner", il faut éviter les états d'âme. On voit ainsi les travailleurs d'une usine en difficulté, se prononcer pour le licenciement des moins productifs, des plus inexpérimentés. Une telle logique, commande aussi de se montrer dur envers soi-même, de "savoir mordre sur sa chique". Lorsque les circonstances l'exigent, l'assemblée du personnel votera une diminution des salaires, la suppression des primes, l'augmentation des cadences. Seuls les "vainqueurs" ont droit à la stabilité des revenus. C'est pourquoi la sécurité matérielle de chacun, dépend des performances accomplies par tous.

L'entreprise propage en douce sa morale. De par celle-ci, plus le salarié s'avère rentable (c'est-à-dire utile), plus il mérite avantages et considération. Il y aurait là, comme une "jus-tice". Laquelle détermine le rang, positionne la hiérarchie. Aussi, contester ses chefs devient difficile, puisque ceux-ci se classent parmi les "meilleurs". Le bon manager se perçoit même, tel un exemple à suivre. Il est celui qui a su valoriser ses dons naturels, pour les placer au service d'un projet collectif. Pareil battant, se voit donc investi d'une mission pédagogique. Il doit exhorter chacun à convertir ses qualités particulières, en compétences de haut niveau. Tout subalterne peut se muer en spécialiste ou, tout au moins, en travailleur qui "progresse". Le labeur quotidien permettrait ainsi de "dilater sa personnalité", de se "réaliser", de... s'épanouir !

Tous copains

L'homme idéal conçu par l'entreprise, se veut compétent, dynamique, "bien dans sa peau". Un modèle, qui ne se cantonne pas seulement aux lieux où l'on travaille. Cette image, contamine l'ensemble du corps social, grâce aux médias. Exemplatif apparaît à cet égard, le plus grand succès commercial du 7ème art : le film Titanic. Car, la superproduction américaine déroule un scénario s'articulant autour d'un contraste. D'une part, l'histoire d'un naufrage survenu en 1912. D'autre part, la description des recherches accomplies par de modernes chasseurs d'épaves. D'emblée, sur le paquebot en péril, équipage et passagers de première classe se comportent en purs produits de la société patriarcale. Les marins cumulent discipline rigide, hiérarchie inefficace et mentalité figée ; quant aux nantis, ils affichent la morgue des riches d'autrefois. Ils sont murés dans leur mépris du petit peuple, isolés par les barrières de caste, prisonniers des convenances. Dès lors - cela est suggéré - la funeste rencontre avec l'iceberg, mais aussi le krach boursier de 1929, sanctionnent justement un univers sclérosé.

Lorsqu'elles abordent la période contemporaine, les images de Titanic présentent une tout autre façon d'agir. L'équipe des explorateurs sous-marins, allie l'efficience à la décontraction. Celui qui dirige, se laisse appeler boss, travaille en jeans, met la main à la pâte. Il n'hésite d'ailleurs pas à prendre des risques, en pilotant lui-même une soucoupe de plongée. C'est lui encore, qui extrait du navire coulé les débris les plus intéressants. Exploits qui valent à cet édifiant patron, l'ostensible admiration de ses subordonnés. En conséquence de quoi, le propos tendancieux du film apparaît clairement. Titanic en effet, veut nous faire croire que la guerre entre dominants et dominés est terminée. Les antagonismes d'antan auraient disparus au profit d'une réelle pacification, parce que les gens "font des efforts". Le dirigeant ici mis en scène, s'active pour mériter sa position, cultive la simplicité, encourage au lieu de contraindre. Quant aux sous-fifres -qui déploient savoir-faire et enthousiasme- on devine qu'ils s'interdisent d'envisager l'exploitation du prolétariat, l'injustice sociale, l'aliénation par le travail.

Les révolutions sont finies

Titanic efface les inégalités présentes, en dénonçant avec force les travers d'une époque révolue. Le récit pathétique de Rose - dernière survivante du naufrage - constitue l'élément essentiel de cette dialectique. Dès le départ, l'héroïne décrit un milieu machiste et mesquin qui l'étouffe. Situation à ce point douloureuse, que le suicide lui paraît seule délivrance possible. Heureusement, elle rencontre Jack. Grâce à celui-ci, la jeune fille refusera les rôles et comportements exigés par la société patriarcale. Ce rejet, fera de Rose une femme émancipée qui cherche à développer toutes ses potentialités. Autrement dit : devant nous évolue une personne en quête d'épanouissement. C'est pourquoi, elle "réussira". D'ailleurs, à la fin du film, des photographies la montrent aux commandes d'un avion, la présentent hardiment perchée sur un splendide cheval. Une fois de plus, le message délivré est limpide : puisque notre existence n'obéit plus aux prescriptions d'un pouvoir sévère, chacun deviendrait responsable de ce qu'il fait, de ce qu'il vit. Ou encore : parce que libéré des entraves de jadis, maintenant chaque individu mériterait sa position sociale.

Le film Titanic ne fait qu'ajouter au discours ambiant. Un flux torrentiel d'images, d'écrits, de paroles, déferle pour nous convaincre de la légitimité des nouvelles hiérarchies. Et fictions, reportages ou interviews, décrivent abondamment les mérites du leader moderne. Lequel, cultiverait une mentalité de gagneur. Ce qui lui permettrait de s'illustrer. Mais en réalité, un pareil superman n'admet tout simplement pas de rester dans l'anonymat. C'est dire si la vanité le détermine. Or, naguère, l'ambitieux, l'arriviste, le parvenu suscitaient une réprobation teintée d'ironie. Le pouvoir patriarcal exigeait que chacun reste humblement "à sa place". Et l'on se moquait du bourgeois gentilhomme. À présent, nous devrions admirer le prolétaire bourgeois. Alors qu'il ne fait que monnayer son originalité foncière, négocier l'un ou l'autre talent, rentabiliser une quelconque vocation. Parce que l'homme méritant d'aujourd'hui sait vendre, et se vendre. Aussi, une telle rage boutiquière fait de lui quelque chose, non quelqu'un. Car sous le primat de l'argent, celui-là devient chose, celui-là se transforme en produit, marchandise, investissement, carrière, fonction, instrument.

Le regard des autres

L'individualisme mercantile, consiste à perfectionner des aptitudes. Ceci, afin d'en tirer revenus, notoriété, ascendant. De par le matraquage incessant des médias, cet épanouissement de bazar se pose en idéal de vie. En outre, l'entreprise n'apparaît plus en lieu où s'exerce l'exploitation des êtres humains, mais comme un espace favorisant l'accomplissement personnel. Dès lors, "réussir" dépendrait du seul "vouloir". C'est pourquoi beaucoup se ruent vers les objectifs désignés, c'est pourquoi ils s'inclinent devant ceux qui les dépassent. Mais, bien peu réalisent que cette course est issue de réflexes conditionnés. La guerre de Corée pourtant, nous a fait connaître la technique du lavage de cerveau. On sait qu'un tel processus introduit, sans relâche, des représentations mentales dans la conscience des assujettis. Ce qui modifie peu à peu leur perception du réel. Et le jour arrive, où les dominés se mettent à penser comme leurs oppresseurs. Or, cette frontière est franchie depuis longtemps. De toute évidence, aujourd'hui le grand nombre raisonne en bourgeois, et se voudrait patron.

Implanter chez tous la pensée des maîtres, constitue le premier stade de l'endoctrinement. Cette phase primordiale achevée, le dispositif peut alors se perfectionner. À nouveau, les camps de rééducation de l'Asie "communiste" nous aident à comprendre. Car là-bas, la surveillance exercée par les gardiens se voyait progressivement remplacée par le contrôle mutuel des détenus. De ce fait, chaque prisonnier se sentait de plus en plus libre, puisque l'autorité s'atténuait au fil du temps. Mais, en finale, tout le monde espionnait tout le monde afin de repérer les déviants. Semblable mécanique, fonctionne également de nos jours. Le pouvoir utilise le regard des autres. L'œil du voisin nous jauge en permanence, nous compare, nous attribue une place sur l'échelle sociale. Et l'entourage témoigne admiration-bienveillance-compréhension ou indifférence-condescendance-mépris, en fonction de notre "réussite" ou de nos "échecs".

Autrui prend notre mesure d'après l'aune du système. Et chacun se voit ainsi récompensé ou puni, selon son degré de conformité au modèle. D'où la nécessité de faire savoir à tous que l'on est bien "dans la ligne", de se montrer prospère, de paraître. En conséquence, produire et consommer le plus possible, régentent les existences, se présentent en véritable obligation, s'imposent même comme réel devoir. Tous les attributs d'un pouvoir fort se trouvent ainsi réunis : la prescription des conduites, l'évaluation des comportements, la récompense des dociles-utiles, la punition des "inadaptés". Néanmoins, grâce à l'emploi de l'arme psychologique, cette coercition s'avère tout à fait invisible. Les dominés croient à leur libre-arbitre, alors qu'ils intériorisent une soumission aux normes marchandes. Ce qui se concrétise par l'autoprescription (Je dois "réussir"), l'autoévaluation (Ai-je mieux "réussi" que mon voisin ?), l'autorécompense (Je suis "quelqu'un de bien" parce que j'ai "réussi"), l'autopunition (Je n'ai pas fait tout ce qu'il fallait pour "réussir"). De la sorte, cette introspection mène à la dernière étape d'un lavage de cerveau réussi, celle que l'on nomme autocritique.

Le conditionnement sur lequel se fonde la société actuelle, enjoint de montrer que nous ne sommes pas n'importe qui. Mais cette "réussite" obligatoire, débouche automatiquement sur une compétition où tous participent. Inévitablement, les perdants sont légion. Et même si l'on croit parvenir à l'un ou l'autre résultat, il se trouve toujours quelqu'un pour nous "dépasser". D'ailleurs, toutes ces vedettes et célébrités encensées par les médias, jour après jour, font la preuve de notre "insignifiance". C'est aussi, tôt ou tard, découvrir son incapacité à "monter" davantage. Constat qui souvent conduit la personne à déplorer ses "lacunes". Dans ces conditions, nombre de nos contemporains, avec une grande candeur, absorbent ces vieux poisons distillés par tous ceux qui contrôlent les pensées : sentiments d'infériorité, d'impuissance, d'anxiété, de faute.

Autoflagellation mentale

Les hommes de ce temps, obéissent trop bien aux exigences de conformité. Dès lors, certains se désespèrent. Se croyant libres -donc se croyant totalement responsables de leur sort- beaucoup se posent en sévère juge d'eux-mêmes, se condamnent pour infidélité au modèle imposé, se fustigent pour cause de non-ressemblance à l'image idéale du "leader". Ces pénitents d'un genre nouveau, pratiquent volontiers l'autoflagellation mentale. Les écoutant se confesser, on apprend qu'ils auraient "tout raté". Ils ne seraient ni reconnus, ni admirés, ni aimés. Une faillite, qui proviendrait de leurs "insuffisances". Ils manqueraient de dynamisme, de volonté, d'intelligence, d'audace, ... Ainsi coincés entre l'impératif de "percer" et l'impossibilité d'y parvenir, ces affligés retournent contre eux une agressivité destructrice. La dépression nerveuse sanctionne alors l'aboutissement de ces reproches amoncelés ; lequel n'est autre qu'un désamour de soi.

Au sein des populations du monde industrialisé, la dépression se répand. Déjà, en 1995, le Prozac occupait la seconde place au classement des médicaments les plus vendus sur la planète.Le nombre des déprimés prend à ce point de l'ampleur, que certains n'hésitent plus à parler d'épidémie, de mal du siècle. Or l'explication la plus plausible à de tels ravages, tiendrait dans la forme même de notre société. Ici encore, la comparaison avec le système patriarcal nous aide à comprendre. Car autrefois, les pulsions instinctives étaient sévèrement bridées. Soumis dès l'enfance à de puissants interdits qui s'opposaient à ses passions, l'individu très vite entrait en guerre avec lui-même. Ce conflit, favorisait les pathologies mentales graves. Psychoses et névroses s'avéraient plus fréquentes que maintenant. Par contre, la mélancolie, la neurasthénie, apparaissaient comme maladies bizarres, frappant particulièrement riches et oisifs. L'avènement de la consommation de masse, bouleversera ce tableau de la souffrance psychique. De nos jours en effet, si la "folie" devient plus rare le "mal de vivre", lui, ne cesse de progresser.

Certes, des problèmes organiques ou psychologiques chez la personne, peuvent lui causer une dépression. Cependant, lorsque de nombreux malades se voudraient quelqu'un d'autre, il y a lieu d'incriminer des circonstances externes, "culturelles" en l'occurrence. Car c'est bien le refus de s'accepter - donc de reconnaître ses limites, ou sa différence - qui caractérise la majorité des déprimes modernes. De la sorte, notre société fabrique le mal-être en grande série. Et ce bilan s'alourdit, quand on tient compte des états dépressifs non reconnus. Maintes dépressions ainsi, se cachent derrière des affections dites "psychosomatiques". De même l'alcoolisme, qui accompagne fréquemment une dégradation de l'estime de soi. On boit apparemment pour de multiples raisons, mais combien cherchent dans l'ivresse une occasion d'agir enfin en "vrai chef" ? Une telle fuite dans l'illusion culmine toutefois, avec l'usage des stupéfiants. Parce que la drogue permet de s'échapper hors d'un réel disqualifiant. Parce que la "dope" insuffle un sentiment de toute puissance. Phénomènes propres à la modernité, là aussi. Plus avant dans le tragique -comme ultimes "dérobade" et "sentiment de souveraineté" : le suicide. Lequel, représente la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de notre époque.

Le système t'aime

Le pouvoir pèse lourdement sur la vie de chacun, rend malade, et tue. Il en a toujours été ainsi. La nouveauté par contre, c'est que les dominés actuels se croient à la fois riches et libres. Alors que les besoins, dans leur ensemble, ne sont pas satisfaits ; alors que la sujétion des esprits s'avère totale. Hélas, peu s'en aperçoivent. On mesure de ce fait, à quels obstacles se heurte le projet anarchiste. Plus improbable encore apparaît la Révolution, quand on sait que les moyens préconisés pour l'accomplir sont vieux de 100 à 150 ans. Or, nous ne vivons plus au sein d'une société de type patriarcal. Il nous faut donc adapter notre façon de combattre. En tous cas l'adversaire, lui, a considérablement changé ses méthodes. Dès lors, à nous de faire preuve d'innovation, de créativité, d'originalité. Et - surtout - évitons tout repli sur le passé, toute velléité d'intégrisme.

Car, penser comme hier, n'est-ce pas se condamner à ne pas comprendre aujourd'hui ?

Gablou
Les intertitres sont de la rédaction d'Alternative Libertaire.


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