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      BILLET D'HUMEUR

      Septembre noir

      1. Sémira Adamu est morte assassinée et bien sûr, les assassins courent toujours. Leur portrait robot : des robots à képi et moustaches armés de l'Intérieur et programmés par une logique d'État. Sémira Adamu est morte étouffée par un coussin. Gageons que la question des réfugiés sera à son tour rapidement étouffée. Sémira Adamu est morte comme d'autres victimes de la forteresse Europe.
       Pour paraphraser le Soir, qui affirmait sans rire que nous étions tous des Bill Clinton, je dirais, en ravalant des larmes d'amertume, que Sémira est morte parce que nous ne sommes pas tous des Sémira Adamu.
       Nous vivons dans un société dualle. D'un côté, les nantis, les friqués, les responsables, les poseurs de barbelés et de plaquettes Attention ! Aryens méchants. De l'autre côté, les sans sous, les sans-papiers, les crève-la-faim, les déresponsabilisés. D'un côté, les ayant droit, les élus (!), les résignés, et leurs conducteurs de locomotives pour Auschwitz, de l'autre, pêle-mêle, les marginaux, les exclus, les êtres humains.
       Dans un monde où l'argent est roi, l'hospitalité est fille de petite vertu. Tout s'achète et donc tout se vend. Malheur, donc, aux démunis, aux dépourvus. Ils repasseront. Ou, plutôt, ils trépasseront.
       Nous vivons dans une société dominée par des débats proposés comme des cache-sexe, des débats Écran T'es moins, des débats écran total : Faut-il prendre la vessie de Bill pour la lanterne du monde ? Faut-il continuer de verser une dotation publique au Vlaams Blok ? Faut-il un nouvel entraîneur au Sporting d'Anderlecht, voire au PSG ? Les innondations qui ont submergé une partie du pays sont-elles de gauche ou de centre droit ? Par contre, poser la question de la fraternité, de la solidarité, de l'échange, de la gratuité, de l'hospitalité, ça sonne creux comme un porte-monnaie vide.
       Poser la question de la gendarmerie (repère de l'extrême-droite au service - et versa - de l'État), de la responsabilité, des rapports de force, de l'autoritarisme, de la propriété privée - bref de la déshumanisation qui nous rapproche du caniche, c'est se faire du mourron gratuitement, c'est du bénévolat intellectuel, ça ne participe pas à ce monde Bancontact humains - Mister Cash misère.
       Sémira Adamu est morte. Est-elle morte pour rien, ou pour pas cher, pour reprendre une terminologie de ce monde ?
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      2. Flics, gendarmes, crs, militaires, frontières, télés, fric, pubs, papiers, salariat, prisons, matons, pros de la politique, curés, gouroux, clés sur portes, écoles parking, pantoufles, Bucquoy, choux de Bruxelles ... Débarrassons-nous-en ! Malheureusement, à part pour les choux de Bruxelles, le comment pose problème !
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      3. Alternative Libertaire était, hélàs, dans le juste quand elle avait sorti son affiche... Ce n'est pas tant le bruit des bottes qu'il faut craindre que le silence des pantoufles. On la complètera, tragiquement, en ajoutant le silence des coussins...
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      4. Septembre, les collectifs sociaux champignonnent. L'engrais ? L'État de merde. Mais, si un temps humide favorise la pousse, attention aux pluies acides. Et puis, qu'il est dur de vivre dans cette puanteur fétide. Qu'il est dur d'apprendre à mes enfants de voler tout en se bouchant le nez de leurs dix doigts. Il y a toujours le risque de verser dans le numéro de cirque
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      5. La résignation est un suicide quotidien...
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      6. J'ai l'impression que nous manquons de radicalité, d'audace et d'utopie. Les collectifs sociaux, - une flamme vitale magnifique -, ne sont souvent que projets parasites, qui stigmatisent les dysfonctionnements d'un système inique. Revendiquer des allocations de chômage décentes, exiger des papiers pour les sans-papier, des hlm pour les sdf, ou des gendarmes respectant les droits de l'homme, c'est participer à un ravalement de façade. C'est un réformisme de l'urgence, un nécessaire sursaut de dignité, de générosité, de solidarité certes, mais sans aucun souffle utopique. Qu'espérer vraiment en nous battant avec les armes du système, à savoir : argent, papiers en règle, etc ? J'ai conscience que j'énonce des banalités... mais tant que nous ne développons pas suffisamment d'alternatives qui dépassent le revendicatif (voir Los Arenalejos, Longo Maï, Bonaventure..), d'alternatives qui réinventent la vie, nous nous cantonnerons dans le débat d'idées, et face au rouleau compresseur des médias, nos idées auront toujours une force de séduction comparable à une émission nocturne de France culture.
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      7. Les allocations de chômage comme les allocations salariales, c'est une prime à la survie accordée de manière régalienne à nos instincts de gagne-petit par les gagne-gros. Un rapport de force défavorable doit-il justifier nos compromis avec cette triste réalité ?
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      8. Argent, carte de banque et carte d'identité. L'avoir et l'être réduits à des données papier. L'argent - propriété des banques, l'être - propriété de l'État. Ni dieu ni maître, c'est aussi, ni fric, ni papiers !
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      9. Un monde sans frontière, c'est aussi un monde sans clé et sans serrure. Un monde sans frontière, c'est une partition sans clé de sol, c'est comme une musique nouvelle, libérée, non figée. Quel soulagement le jour où nous allumerons un bûcher pour y jeter nos cartes d'identité, nos derniers billets de mille et nos trousseaux de clé.
       Facile à écrire. Facile à faire.
       La peur du lendemain est une sorte de gendarme intérieur armé d'un coussin douillet et assassin. Est-ce cela qui retient encore notre geste ?
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      Dupk F.D
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