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      Appel à l'action
      On ne peut pas croire des horreurs pareilles...

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      En perdition dans la tempête médiatique
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       Vous avez sans doute lu la compilation des articles du Morgen préfacée par Marc Reisinger et diffusée dans le numéro d'Alternative Libertaire du mois passé.
       En ce qui me concerne, je n'avais sur la question aucun avis. Non pas que l'évolution des faits relatifs aux enquêtes, menées ou truquées, sur la disparition des enfants ne m'intéresse pas... Simplement, j'en étais venue à penser que dans cette histoire comme dans des dizaines d'autres, nous sommes condamnés à ne rien savoir, parce que la vérité ferait apparaître un ordre des choses tellement insupportable et immoral qu'il se pourrait bien que les moutons deviennent enragés et cessent de se soumettre aux lois que ne respectent pas ceux qui les édictent.
       Devant l'impossibilité de savoir, je me résignais.
       Comme vous, j'ai entendu dire que Régina Louf délirait, mentait, fantasmait... Je me suis dit que c'était possible. Aujourd'hui, si je continue à penser que c'est possible, il me paraît évident 1) que même si Régina recompose la réalité à sa manière, il est indéniable qu'elle a vécu quelque chose qui doit être retrouvé, vérifié et sanctionné, 2) que - et particulièrement depuis les dernières révélations sur les dissensions au sein de la gendarmerie - les mensonges et les manipulations apparaissent clairement dans le camp de ceux qui refusent de reconnaître l'intérêt qu'il y a à explorer les recoupements possibles entre son témoignage et les traces attestées (pas encore effacées mais avec le temps on y arrivera) des événements relatés.
       Manifestement, les partisans d'une Régina Louf mythomane ont le bras long. Ils peuvent imposer silence aux médias, en tout cas aux médias francophones. Une opération joliment définie par la consigne Comment discréditer les témoignages X. Il ne faut plus espérer un débat impartial.
       Cependant, si le dixième de ce que rapporte la jeune femme devait être vrai, on ne peut pas accepter que ça passe au bleu. On ne peut pas, parce que si on avale ça, alors on est bon pour l'utilisation des coussins dans les crèches. Ou pour l'enfermement psychiatrique des Joseph Hick qui osent défendre leur honneur face à l'Église catholique et son entreprise de drill éducatif.
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      Le mythe est devenu la norme
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       Bien entendu, en chacun de nous se mobilisent les réserves du bon sens : une réalité aussi maléfique ne peut que relever du mythe.
       C'est vrai : quand on entend les hommes politiques interpréter leur rôle de saints innocents, on n'arrive littéralement pas à réaliser qu'ils puissent être doubles au point de connaître l'épouvantable réalité et de vouloir, en prévision des prochaines coliques électorales, la faire glisser comme un suppositoire dans les orifices adéquats.
       Pincez-vous un méchant coup : le mythe est devenu notre pain quotidien.
       Le mythe, c'est refuser d'accepter la matérialité des faits et de leur préférer une représentation virtuelle escamotable à volonté. En Belgique, c'est quand un ministre de l'Intérieur démissionne parce que des flics de terrain ont été trop cons pour ne pas laisser s'échapper Dutroux. Comme s'il n'était responsable que de dispositions locales évidemment incontrôlables et pas des orientations globales qui organisent le pays en démocratie policière.
       Le mythe, c'est une hiérarchie ecclésiale, forcément au courant des fringales sexuelles de ses agents, qui ne rend compte à personne si ce n'est à Dieu, des centaines de viols ou de pelotage bénis, subis par les catéchumènes.
       Le mythe, c'est le professeur Joseph Hick, diffamé par des parents et aussitôt chassé par le pouvoir organisateur catholique de son école, et qui après des années de combat et cinq grèves de la faim et de la soif, après avoir tout perdu, y compris le CPAS, vient d'être débouté par la Cour du Tribunal du Travail de Liège. Motif : en dénonçant l'omuerta, et en révélant à quel déni de justice il était abandonné, Hick a rompu le rapport de confiance entre lui et l'institution. Il a eu tort de se battre pour être lavé d'accusations mensongères et pour être réintégré dans son école. Tort de se réjouir que la Justice ait reconnu, dans un hoquet imprévu, la méchanceté mensongère des accusations portées contre lui (le malheureux avait répondu aux questions de ses élèves sur la sexualité...en région germanophone, un truc qui ne pardonne pas).
       En fin de parcours, comme il est convenable, la vérité vient d'être déclarée coupable par la seule juridiction qui, en son nom, pouvait rendre à un homme tout ce que le mythe lui avait volé.
       Le mythe, ce sont les gendarmes qui ont asphyxié Sémira en se racontant la dernière sans atterrir derrière les verrous, puisque selon l'interprétation officielle autorisée, soutenue une nouvelle fois par un représentant de l'Église, c'est le Collectif contre les expulsions qui est responsable de la violence.
       Le mythe, c'est l'OCDE qui fait savoir dans un rapport confidentiel que la Belgique pour lutter contre le chômage, doit prescrire des salaires inférieurs aux salaires minima garantis, la suppression de l'indexation, la réduction du montant des allocations de chômage et de leur durée, l'intensification des exclusions. C'est que tout en constatant le bon état de santé de la population belge, elle s'empresse de recommander pour que ça roule mieux encore la réduction des coûts soins de santé par le recours aux traitements standard pour le tout venant. Si le malade a besoin de plus pointu, il n'aura qu'à être friqué et souscrire une assurance privée. Au nom de la rentabilité, la protection sanitaire des Belges doit réintégrer fissa le grand marché, comme aux USA, au risque d'affaiblir le principe d'équité ou d'égalité de traitement dans le système public de santé.
       Le train-train de l'actualité en Belgique (1) est aussi peu vraisemblable que le récit des témoins X, et pourtant, c'est la seule réalité à laquelle nous ayons droit.
       Évidemment, c'est plus reposant de croire au hasard, aux malentendus, aux prédateurs accidentels, isolés treize à la douzaine et rigoureusement indépendants les uns des autres. Plus reposant, certes, mais comme le reste, intellectuellement intenable.
       On laisse fleurir sans un éternuement des pratiques particulières à chaque ordre. Nous nageons en plein Moyen-âge : économie de droit divin, obligations vassales des fusibles politiques, privilèges du clergé, assermentés institutionnels du secret glauque. Et bien, franchement, si tout cela est possible, si les institutions peuvent ouvertement afficher une politique d'égout, si les intentions meurtrières de l'ordre bancaire international peuvent s'exprimer d'une manière si paisiblement normative sans qu'une condamnation ne tombe du ciel ONU, avec menace de blocus et de bombardements en cas de récidive, il n'y a vraiment aucune invraisemblance dans l'hypothèse que l'étouffement des témoignages de X1 soit un montage destiné à couvrir on ne sait qui, mais on voudrait bien le savoir.
       Comme au beau temps des châteaux-forts, les vilains n'ont qu'à se terrer, la justice n'est pas pour eux. Elle sert seulement à les foutre dedans s'ils osent se comporter en hommes libres ou s'ils se laissent gagner par la malencontreuse illusion qu'ils pourraient jouir dans le crime de l'impunité des maîtres : voler des milliards, c'est en quelque sorte afficher sa respectabilité, ne payez pas votre tiquet de train et les gendarmes immobiliseront le convoi.
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      Suffoquer dans le mensonge ou se prendre une bouffée
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       En ce qui concerne les témoignages X, et donc essentiellement, l'existence de réseaux criminels infiltrés dans les institutions, ne rien entreprendre, se résigner, c'est s'abandonner sans défense à un ordre assassin.
       Rien de plus volatil qu'un fait, rien de plus éphémère qu'un cadavre, rien de plus incertain qu'un souvenir. Puisqu'en face, "on" est en train de perdre du temps afin sans doute d'arranger les traces de telle manière qu'on ne puisse plus rien trouver ni prouver, ne serait-il pas indiqué que des citoyens encore en état de marche exigent qu'avant de s'interroger sur la compétence professionnelle des enquêteurs qui ont mis à jour des faits inconvenants, "on" poursuive l'enquête sur les faits eux-mêmes ?
       Certains parmi nous suggèrent que devant la politique actuelle des médias, nous pourrions organiser une série de débats contradictoires, si toutefois il se trouve de courageux lapins prêts à répondre aux questions qui viennent naturellement à l'esprit sur les opaques stratégies juridico-policières et à justifier publiquement l'incompréhensible attitude de la Justice et du Commandement de la gendarmerie.
       Si des lecteurs sont intéressés par cette initiative, qu'ils nous fassent parvenir leurs coordonnées : ensemble, nous pourrions mettre en place des rencontres au cours desquelles des personnalités informées nous aideraient à poser les bonnes questions au bon moment à l'interlocuteur le mieux placé.
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      Michelle Beaujean
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      (1) Comme ailleurs, sans doute, mais de manière plus agressive, plus stupide. Et puis, c'est dans ce laboratoire du jusqu'où peut-on aller ? que nous vivons.
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